jeudi 1 juin 2017

Voyage au pays des Dong, Les monts sacrés de Sasui

Mai 2016


Depuis longtemps déjà, je voulais faire une randonnée dans la Chine profonde et rurale au milieu de petits villages perdus, loin de ces destinations touristiques certes autrefois authentiques, mais transformés aujourd'hui en cirque commercial.




Pourtant c’est depuis Zhaoxing, un de ces villages transformés en Disneyland que je vais établir mon camp de base pour partir à la conquête de petits villages épargnés par la modernisation galopante.

Au petit matin , avant l'arrivée des touristes, l'architecture de Zhaoxing est impressionnante.
Une des cinq tours du tambour. Ici, Li tuan, c'est-à-dire celle du clan Li

Dans les alentours immédiats de Zhaoxing, il existe huit petits villages facilement accessibles. Malheureusement, ils sont eux aussi contaminés par un tourisme excessif. Tang’an, le plus connu d’entre eux est aujourd’hui envahi de véhicules, d’antennes paraboliques et de constructions modernes. Toutefois le petit sentier qui part de Zhaoxing pour rejoindre Tang’an en passant par les petits hameaux de Xiage et Shangge offre une vue magnifique sur la vallée au milieu des rizières en terrasse.

Je ne voulais pas me contenter de la visite de ces quelques villages à proximité, mais partit vers des villages encore épargnés de la visite de touristes. A part les quelques activités touristiques planifiées par les agences, il n'existe pratiquement pas en Chine d'activité de randonnée et encore moins d'informations pour les réseaux de sentiers comme cela existe en France. J’ai eu la chance, un jour en naviguant sur le net  de tomber sur un forum de randonneurs chinois, dont l’un d’eux, présentait une carte très rudimentaire des montagnes au sud de Zhaoping dessinée par un certain M. Frog. Cette carte m’a beaucoup intrigué et a excité ma curiosité sur ces lieux peu fréquentés.
Carte du massif Sasui.

J’ai voulu en savoir plus en explorant cette région sur Google Earth. Il ne m'en a pas fallu plus pour que je me décide à organiser un trek pour traverser ces villages au sud de Zhaoxing. Voulant obsolument disposer de cartes, j'ai enregistré les cartes Google earth en haute définition en y ajoutant les nom de village et le tracé idéal et je les ai placé sur mon smartphone. Ne disposant que de trois jours pour la randonnée, je décide pour gagber du temps de rejoindre le premier village, au sud ouest du massif en taxi-moto. Le trajet en moto a été assez pénible sur des portions de route défoncées, dû a un grand chantier pour la construction d’une nouvelle autoroute. Mais l’arrivée dans le petit village de Dengba au milieu de collines verdoyantes fut un vrai bonheur.


Je prend mon temps pour découvrir les ruelles de Dengba, appréciant cette atmosphère calme, paisible et silencieuse. Enfin un village loin des hordes de touristes. Les villageois regroupés au centre du village me regardent passer avec étonnement et curiosité, mais je ne m'attarde pas, j'ai hâte de rejoindre le fond d’une petite vallée au nord-est du village où j'ai repéré deux minuscules hameaux :  Jinlong et Guisui. Mon projet étant de remonter cette combe au plus près du petit cours d'eau vers les villages supérieurs. Un trajet dont le relief topographique éviterait de me perdre pour atteindre Nongpan, le village où j'ai projeté de dpasser la nuit.





Bien qu’ayant une grande expérience pour m’orienter et lire les cartes, je suis tout de suite déstabilisé par le caractère abrupt et escarpé du paysage. Le moindre kilomètre demande le passage de montées et descentes compliquées dans des ravins abrupts. Il y a certainement un sentier qui mène vers les deux petits hameaux, mais après avoir passé plus d’une heure à chercher je renonce à m’aventurer dans ce coin. Finalement j’emprunte la route en espérant trouver plus loin un endroit plus propice pour me rapprocher du petit vallon.

Depuis le village de Dengba, en jaune le trajet que j'avais prévu vers le petit vallon, en rouge le trajet que j'ai pris sur la route.

Quelques kilomètres plus haut, l’épaisse foret laisse la place à des rizières en terrasses qui ont l’avantage de dégager le paysage. Je m’enfonce dans ce labyrinthe de bassins ensemés de riz. Quelques paysans s’adonnent à leurs occupations. Je progresse en traversant une succession de terrasses mais chaque fois je bute sur des passages sans issue. Je passe deux ou trois heures dans ces labyrinthes sans pouvoir progresser dans la direction souhaitée. J’abandonne définitivement l’idée de rejoindre le petit vallon et je me résous à parcourir la petite route qui serpente dans la Foret.

Une zone de forët et de terrasses très abrupt.

 J’arrive finalement au petit village de XiaoQiao (le petit pont), puis un peu plus haut sur la colline le village de Da Qiao (le grand pont). Quelques hommes discutent à l’entrée de ce village très calme et bucolique. Un habitant vient à la rencontre et me parle sans accent en langue Mandarin. très fier de sa maison au bord du chemin, il m'invite à l'admirer. Il m'indique le départ du sentier qui mène directement au village de Nongpan.

Le petit village de Daqiao perdu dans les collines.

Le paysage en dessous de Nongpan.

J’imaginais ce dernier village juste à côté mais avec tous les contournements autour des rizières cette dernière étape de la journée me semble interminable et à 17 heures j’entre dans le petit village très animé à cette heure-ci. La population d’une cinquantaine de personnes semble être toute là sur la place centrale à profiter des dernières heures de la journée. Les enfants intrigués par ma présence me suivent et m’observent de façon amusée. Il y a une sorte de petite boutique dont le tenancier me propose une platée de nouille. Je mange ce petit repas bienvenu au milieu des autochtones.

L'entrée du village de Nongpan.

 Mais très vite la nuit tombe et je n’ose pas demander un hébergement auprès de ces gens. Il ne fait pas très froid et il doit bien y avoir un endroit tranquille où je pourrais m’assoupir. Je trouve un endroit discret où je m’installe, mais en fait c’est juste en face de la porte d’entrée d’une maison occopée par une fermière et sa mère. Après avoir donné à manger à ses moutons, elle me tient un discours dont je ne comprends pas un seul mot mais dont l’intonation me dit que pour elle, ce n’est pas un endroit  décent pour passer la nuit. A quelques mètres en face de moi, je vois à travers une toute petite fenêtre la maison s’éclairer, j’entend distinctement les deux femmes parler, et aussi les bruits des ustensiles de cuisine. Le petit manège dure une heure puis tout s’éteint, Les femmes montent à l'étage et le silence devient total.  J’essaie de m’endormir avec difficulté, plus habitué depuis longtemps à passer la nuit dans des conditions précaires
.
Une heure plus tard, un homme passe devant moi et engage une longue conversation dont j'ai du mal à comprendre le sens. Je devine qu'il me propose de le suivre.  Je pensais qu’il allait une proposer un endroit confortable pour dormir, mais en fait, c’est pour m’inviter à sa table. Dans un taudis complètement insalubre, quatre hommes sont en train de manger, mais surtout de boire de l'alcool. Mon hôte me sert un énorme verre d’alcool de riz. J’essaie d’en boire quelques gorgées pour lui rendre la politesse et je passe une heure avec eux. Il est déjà onze du soir. Je les remercie de leur hospitalité et les quitte. Cette aventure m’a coupé l’envie de dormir. Je décide de quitter le village et rejoindre ma prochaine étape. Il sera bien temps de s'arreter pour dormir si le besoin s'en fait sentir. Il fait nuit noire, mais j’ai la carte de la région sur mon smartphone et une lampe de poche. J’ai bien mémorisé la configuration des lieux et après une longue marche nocturne, je reconnais l’entrée dui village de Dege. Je me repose une demi-heure, il est 1 heure du matin et je reprends la route en direction de Fanglian, un village qui surplombe une magnifique zone de rizière en terrasse.

Je n'ai pas retrouvé ma carte mémoire pour les photos faites entre  Nongpan et  Laima.

Je m’installe dans la tour du tambour du village et m’endors pour une heure. Au milieu de la nuit, il fait très froid et je n'arrive plus à dormir. Je décide alors de reprendre ma marche vers le village suivant situé à environ un kilomètre à vol d’oiseau, mais en fait je doit partir vers le sud pour contourner une grande combe profonde. Je mettrais plus d’une heure pour rejoindre Laigui. Il est 6 heures trente et le jour se lève. J'entrevois qui émerge de la forêt, une belle tour du tambour qui indique la présence du village. Cette vue au petit matin est impressionnante. C’est l'une des plus belles visions que j’ai eue de la Chine. L'entrée dans ce minuscule village blotti au milieu d’une forêt me laisse une impression intemporelle, un silence parfait et déjà les habitants qui s’éveillent et sortent de leur maison. Je discute avec un villageois qui m’indique le sentier pour rejoindre le fond de la vallée et le village de Pingle. La descente est très raide, pénible et glissante dans la forêt humide.

Arrivé à Pingle, je n’est plus de cartes car mon smartphone est déchargé. Un villageais me conseille de prendre la grande route plutôt que le sentier. N'ayant plus de repères, je suis ses recommandations et prends la grande route qui monte vers le nord.  En fait, il fallait se diriger vers le sud pour rejoindre un petit vallon en direction de l’est qui mène facilement au village de Zailui. Mauvaise décision car cette route interminable m'éloigne terriblement de ma destination. Cette route s'engage dans un profond vallon pour plus loin le quitter vers l'ouest, ce qui me ramenerais vers mon point de départ. Alors que je rumine sur la direction à prendre, un jeune paysan me dépasse. Nous marchons un moment ensemble puis il quitte la route principale pour continuer sa progression dans l'axe du vallon.
Je lui emboite le pas. Il se retourne sans arrêt, se demandant certainement pourquoi je prends une telle direction dans cet endroit perdu. Dans les quelques bifurcations suivantes, il ralentit le pas de façon à rester visible devant mon afin que je ne m’égare pas. Puis lorsque la destination devient évidente à flanc de colline il accélère et je ne le reverrai plus. le sentier me mène sur les hauteurs d’une colline et j’arrive à me repérer. Je me suis éloigné qu’une quinzaine de kilomètres du village de Zailui. Je suis trop au nord. Je redescends vers le sud par une autre route qui après une dizaine de kilomètres me mène à Laima, un petit village que je n’avais pas prévu dans mon périple. Le sac à dos commence à me faire des douleurs insupportables après deux jours et une nuit de marche incessante.

Village de Laima.
Village de Laima

Village de Laima
Le groupe de Chinois qui vont m'accueillir.


Il est midi j’entre dans le village et m’approche d’une petite boutique qui sert d'épicerie générale pour les villageois.  Un groupe de villageois sont occupés à jouer aux cartes. J'achète quelques boisson et en profite pour recharger mon smartphone. Les gens sont très accueillants et je me sens à l'aise de rester parmi eux. Je m'assoie à côté d'eux et commence à reprendre des force. Puis, une heure plus tard, c'est l'heure du Wucan 午餐 , c'est l'heure du déjeuner. Le patron m’invite à sa table à prendre le repas familial. Je découvre un authentique repas traditionnel comme peu de touristes ont l’occasion de connaître. Sur la table, le riz blanc, les escargots et les poissons des rizières, un jeune chiot rôti, et une diversité de légumes frais et pommes de terre. Comme boisson, le repas est accompagné d’alcool de riz. Un vrai repas traditionnel que je révais de connaître qui m'est offert comme un récompence après ces deux jours d'efforts.

Des légumes, du riz blanc et les épices sont à part dans des bols. Le plat du jour est un chiot tué le matin même.

Repas de famille autour du Laoban (le patron en bleu)
L'alcool de riz accompagne copieusement le repas.

Après vingt-deux heures de marche, je suis complètement épuisé. Mais c'est surtout le poids du sac à dos qui me donne des douleurs lancinantes. Je profite de cette après-midi de détente dans ce charmant petit village de Laima, complètement isolé dans un vallon perdu. Je visite tous les recoins du hameau avec mon appareil photo (photos pas retrouvées pour l'instant). Les habitants maintenant sont occupés à une partie de carte prise très au sérieux. Ils ne sont pas du tout gênés par ma présence. Ils sont même bienveillants me faisant des commentaires en mandarin (pour que je comprenne). J'apprends que l'un des joueurs de cartes vient du village voisin, Shangdiping. Je demande à cet homme s'il veut bien m'emmener sur sa moto. Je ne me sens pas suffisamment en forme pour faire encore 6 kilomètres avec mon sac lourd. Il n'acceptera aucune rétribution pour ce service. C'est la tradition ancestrale qui veut qu'on prenne soin de tout visiteur étranger sans rien attendre en retour.

Mais on ne part pas tout de suite. Il faudra attendre la fin d'après-midi que la partie de cartes soit terminée. Nous arrivons à Shandiping à 18 heures, l'heure où le village est plein de vie avec les paysans qui rentrent des champs et les femmes qui papotent avant le repas du soir.

L'entrée du village de Shangdiping.

Shandiping, le plus grand des villages Dong que je vais traverser.

Au centre du village, les femmes se rassemblent avant le repas du soir.


Femme Dong de retour des champs.

Un groupe de Dong est en train de jouer aux cartes dans la rue principale. Je leur dit que je suis à la recherche d'un taoyou (un guide). Bien que je connaisse le chemin pour me rendre à Zhaoxing, j'ai vraiment besoin d'une aide pour porter mon sac tant mon dos est douloureux. Je propose 200 yuans pour que mon offre soit alléchante. Tout de suite un des hommes se propose. Pour eux un tel voyage est gagnant gagnant, car Zhaoxing est le gros bourg où on trouve de tout et au retour il sera aussi chargé qu'à l'aller. Mon guide me propose de dormir chez lui, afin qu'on parte le lendemain à la première heure. Je découvre un superbe chalet, entièrement de bois, avec le rez-de-chaussé destiné à la vie quotidienne et un premier étage pour les chambres.

Les dong de Shandiping.






Le lendemain, départ au lever du jour. Il pleut à seaux. On remonte la rue principale qui se transforme en chemin rural au milieu des rizières. Un magnifique vallon tout en culture fait suite au village en direction du nord. Nous remontons cette petite vallée cultivée jusqu'à l'altitude de 700 m et ensuite nous traversons une forêt qui monte aux environs de 900 m d'altitude.

Le vallon est cultivé jusqu'à une altitude élevée.



Ensuite une traversée plus ou moins horizontale nous fait rejoindre l'autre versant du massif. Puis le sentier entame sa descente vers la vallée de Zhaoxing. Le sentier est un chemin large et très bien tracé et entretenu. C'est un passage qui relie les deux villages depuis des siècles.

Une promenade de santé pour mon guide qui connait le parcours par cœur.
Il tient dans da main sa palanche pour le transport de retour.

Après une longue descente, on arrive dans Zhaoxing par un de ces plus vieux quartiers construits autour de la tour Zhi tuan, que les touristes ne connaissent pas et qui restent dans une ambiance semblable à celle de Shangdiping.

Le vieux quartier de la tour Zhi tuan
Le lendemain sera un jour de repos dans notre confortable hôtel, mais nous resterons huit jours à Zhaoxing, suffisamment de temps pour explorer les environs.

Retour à Zhaoxing, retour à la civilisation.
Le parcours en entier. Cliquez sur l'image pour agrandir

Une autre vue pour voir les dénivelés.

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